Certes le musicien est un être à part, à mi-chemin entre la matérialité des corps et la diaphanéité des sons : tout entier absorbé dans sa création et mu par l’enthousiasme, il peut vivre longtemps d’amour (celui de l'art, bien sûr...) et d’eau fraîche et se satisfaire d’un austère inconfort avant que son appartenance au règne animal ne se rappelle douloureusement à lui. Quel dépit de constater alors que, comme ses congénères, il est avant tout une machine à transformer en vitales calories des nourritures terrestres dont l’accessibilité est pour lui proportionnelle au succès de son œuvre, c’est-à-dire, trop souvent hélas, inversement proportionnelle à la hauteur du génie qu’il lui présuppose !

Si l’indépendance de sa démarche artistique répugne au subventionnement public – à la manière dont le renard de La Fontaine répugnait aux raisins – il ne restera plus à l'adepte des Muses qu’à détourner de sa vocation une partie de son temps, au profit d’activités communément jugées plus utiles et dès lors décemment rémunérées. Mais n’est-ce pas précisément par cet équilibre, ô combien difficile à trouver, entre une contribution raisonnable à la marche prosaïque de la société et le recul mental nécessaire à l’expression artistique de la personnalité qu’il peut légitimer son aspiration à concevoir et créer librement, affranchi de toute contrainte extérieure ?

Jean-Louis PASTEUR, qui a autofinancé l'intégralité de ses activités artistiques, s'est plié comme beaucoup à cette loi du pragmatisme, ainsi que le montrent ces quelques peaux d'âne d’un parcours professionnel aux avatars multiples.